Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/256

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-248- CHRONIQUE ARTISTIQUE Anvers-^Bruxelles. — Le Cercle Artistique. e signification nette, l'exposition Anvers-Bruxelles n'en a pas, n'en pouvait avoir. Un petit groupe de membres de l'Als ik kan s'y perd dans le nombre des invités, la plupart bruxellois, sans attaches mutuelles : tel un fretin très menu noyé dans une ample sauce assez mal liée. On nous avait alléchés en nous promettant de l'inédit, rien que de l'inédit: il en faut rabattre, et nous sommes un peu dans le cas du monsieur qui ne trouverait que les nouvelles de la veille dans « l'édition spéciale » d'une gazette hurlée à grand fracas dans les rues. N'importe! ce petit Salon choisi, dirait-on, par une commission où le Bon Goût présidait, avec pour assesseurs la Camaraderie et le Hasard, ne manque pas d'intérêt et quelques œuvres vraiment belles y requièrent le visiteur. Parmi les Anversois, dont plusieurs s'efforcent méritoirement, dominent les colorations crues.'les pâtes crayeuses, la pesante matérialité. De tous leurs paysages, nous ne retiendrons que la Rentrée tardive de M. Crabeels, un ancien, et la Prairie à blanchir, fraîche et légère, de M. Morren, un nouveau. M. Delsaux voit largement la terre et la mer de Zélande. La nuit et le crépuscule suggèrent à M. Gilsoul des impressions qu'il traduit en harmo nies rêveuses. Puis, voici M. Claus, plus moderne, plus chercheur de clarté. Son Automne à la Hulpe surtout donne une vive sensation de lumière limpide et caressante. La marine de M. Verheyden est un superbe morceau. Elle est terrible, cette mer verte qui danse sous l'œil de sang du fanal, sous le menaçant mys tère d'un ciel de tempête et de nuit. " Très jolis, les Remous de M. Marcette, très joliment rêvés, car il ne les a pas vus. La Campagne romaine est d'un sentiment plus juste, d'une mélan colie grave. Des études de M. Gustave Stevens, délicatement nuancées, des dessins très étudiés de M. Lemmen, notamment un portrait de vieille dame, attirent encore l'attention. Nous n'aimons guère le Verwée, à part le fond qui est savoureux. Mais l'avant-plan est manqué, et l'eau s'y ride d'une façon choquante. A côté de ces peintres naturalistes, il en est une série d'autres qui se pro posent, avec des succès divers, d'introduire en leurs tableaux un élément de spiritualité. MM. Ciamberlani et Delville, pour grandiloquents qu'ils sont, nous semblent manquer encore d'éloquence. Dans son Impéria, M. Del ville souligne durement ses intentions et oublie d'y mettre la séduction qu'il fallait à sa dominatrice. Sans faire les grands bras, M. Haniiotiau paraît plus sincère et plus pénétré : son Refuge des affligés est une compo sition louable, bien qu'elle ne soit pas exempte de réminiscences.