Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/273

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—265- se soit redressé sur ses hanches, qu'il ait replié son bras vers sa poitrine, une trentaine de lurons du camp ennemi le séparent de ses partenaires, le pressent à l'étouffer, s'attachent à ses vêtements, pèsent de tout leur poids sur ses membres, au risque de l'écarteler, le maintiennent prosterné, le couvrent littéralement de leur masse truculente. Le patient geint et renâcle mais sans lâcher sa proie. Il donne à ses pairs le temps de pousser à sa rescousse. Willem, tout le premier, que l'impétuosité et la violence de l'attaque avaient brusquement séparé de son homme, revient à la charge, se rue comme un fauve à travers la mêlée et jouant des reins, des coudes, des genoux, même de la tète, il envoie rouler l'un à droite, l'autre à gauche, jusqu'à ce qu'avec l'aide des camarades qu'il entraîne à sa suite par cette brèche, il soit parvenu à dégager leur ami qui glisse le korsbrood dans la poigne d'un autre des leurs, contre lequel se tourne à présent la furie des meutes rivales. A en juger par cette entrée en lutte, la compétition sera plus acharnée que jamais. C'est à croire que tous ceux qui participent à l'épreuve ont fait le même serment que le jeune Vogelsang et qu'ils ont mis, à côté du korsbrood, leur existence comme suprême enjeu de la partie. Selon la coutume, les chefs se ménagent et attendent pour donner à leur tour, que l'un des trois ait saisi le pain de kermesse. Qui comptera les mains par lesquelles circule le gage tant convoité ! Et pourtant, quelque diligence et quelque énergie que déploient ces détenteurs passagers, aucun ne parvient à remplir les conditions qui décident de la victoire ! Longtemps le korsbrood demeure dans le camp de Luttérath, puis il passe au parti de Geleen, puis il fait encore retour à Luttérath, puis il tombe au pouvoir de Krawinkel. Et suivant qu'il change de possesseur, domine l'un ou l'autre de ces cris de ralliement : « A Geleen ! A Krawinkel ! A Luttérath le korsbrood ! » Willem estime le moment arrivé de ravir le butin au gars de Krawinkel. Le champion de Luttérath s'empare de la proie avant que Frans le Borgne ait pu défendre son féal. Les deux chefs vont donc se mesurer. Aussitôt leurs fidèles se massent autour d'eux ; ceux de Luttérath s'évertuant pour écarter le terrible Frans, ceux de Krawinkel. au contraire, mettant tous leurs efforts en œuvre pour que leur chef ait ses coudées franches et puisse harceler et tirailler à son aise le détenteur du korsbrood. Frans épuise sur Willem tout l'arsenal des ruses et des pratiques autorisées par les règles du jeu.