Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/294

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—286— Infâmes baisers bus dans des coupes infâmes, Guirlandes de Lesbos, lèvres jointes des femmes, Doux lys de la mer Morte, ô chairs aux fraîcheurs d'âmes, Incestes parfumés dans les palais royaux, Dans les champs endormis sombres viols d'animaux. Funèbres passions au fond des hôpitaux, Et sur tous ces péchés l'affreuse conscience Qui hurle sans repos : « Pécheur, fais pénitence! » Voilà qui donne un peu de vie à l'existence! Non moins que des plaisirs tu nous fais des devoirs. Pour soûler les soldats de généreux espoirs. Tu leur verses, ô dieu du sang, tes poisons noirs. Ton aile rouge passe à travers les tueries Et sur les fronts martyrs flotte en palmes fleuries Dans les temples de Dieu changés en boucheries. Pour stimuler l'ardeur des esprits curieux, Ta main de flamme écrit des mots mystérieux Qu'épôle en bégayant le savant anxieux. Tu caches si bien Dieu sous les décors du culte, Qu'échangeant à l'envi la torture ou l'insulte, Les clergés ennemis te servent en tumulte. De toi, dieu de l'argent, vient la prospérité : Tu fais puissant l'Etat et riche la Cité; Tu dispenses la gloire et l'immortalité. O civilisateur, ta suprême malice Inventa la morale et l'humaine justice Qui vers le ciel sanglant font fumer le supplice. Tu rives tour à tour et tu brises nos fers, Martelant sans relâche aux forges des enfers La contradiction, pivot de l'univers.