Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/293

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—285— Ton esprit inventif ne se peut satisfaire De la banalité des cieux et de la terre Et ton ricanement accuse Dieu le Père. Mais tu sais allumer comme un divin flambeau Dans les cerveaux humains le désir du nouveau, Le mépris du réel et le culte du beau. Sous ton aile de feu, qui frissonne sans trève, Le saint temple de l'art vers l'idéal s'élève ; Et tu refais le monde et Dieu selon ton rève. Tu nous apprends les sons, les formes, les couleurs, Le charme languissant des parfums séducteurs Et le goût dépravant des perverses saveurs. Le cri de ton orgueil fut la première rime Et ton souffle a mêlé, pour embaumer l'abîme, Les extases de l'art aux voluptés du crime. Tu jettes des héros à la face des cieux En faisant miroiter aux feux noirs de tes yeux L'éloquence, l'histoire et les mythes des dieux. Pour transplanter l'amour, piteux frisson physique. Aux jardins mervdlleux de la Rose mystique, Aux filles de Càin tu donnas la musique. Dieu, père du bourgeois et du pharisien. Regarde son ouvrage et dit que tout est bien ; Ton cœur d'artiste n'est jamais heureux de rien. Mais rongé de pitié pour la maigre Nature, Tu créas les beaux-arts, le luxe, la parure Et les rites savants de la grande luxure. Tu sais, pour pimenter nos ébats sensuels, Y mêler des plaisirs ténébreux et cruels Et la perversité des feux spirituels.