Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/309

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—3oi— Mais nul courroux d'obstacles ne put l'ébranler Car son mât glorieux est debout comme à l'heure Où mille accents prophétiques l'ont baptisé. Et voici qu'elle passe du côté du nord La Barque, en ce midi rayonnant d'or, Pavoisée de guirlandes qu'effleurent Des vagues minces au hasard... Et à l'avant hardi où flotte l'étendard. Ainsi qu'une promesse au silence de l'air, Une jeune fille repose Parmi ses cheveux entrouverts Qu'enlacent de naissantes roses. Elle dort, cependant que sur son sein d'enfant Exonéré de toute plainte Sa main gauche élève, ô sceptre odorant! Un bouquet de blanches jacinthes; Et sous sa dive tête indolemment penchée Sa main droite en un geste de grâce est posée. Elle dort, et devant ce clair sommeil se tient Un blond adolescent dont la vigueur maintient L'allance en la route lointaine à suivre... Son lilial visage s'enivre Au frôlis frais du vent égayeur qui accourt De l'eau ou des chemins mourants aux carrefours, Son svelte corps d'un feu intérieur s'anime Et son front de héros a la beauté des cimes. Et le nautonnier, laissant errer ses doigts Sur les trous d'un très vieux hautbois Que son loisir sculpta d'une main filiale. Joue quelque pastorale; Et le son ingénu de l'instrument choyé Passe comme un baiser sur le repos des plaines. Où la mélodieuse haleine Propage un bonheur avoué.