Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/351

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-343- marquant les caractères du pastel et les limites dans lesquelles il doit natu rellement se renfermer, M. Dutry montre comment le procédé délicat de la Rosalba et de Latour de Saint-Quentin a pu récemment élargir son domaine. Et c'est toute une histoire du pastel qu'il esquisse, légèrement, comme il convenait, en quelques touches bien écrasées de ses alertes crayons. La brillante étude sur James Ensor que notre collaborateur M. Eugène Demolder donna, l'hiver dernier, à la Société nouvelle, vient d'être réimpri mée en une magnifique plaquette de luxe, avec un frontispice très intéres sant. C'est un dessin d'Ensor, exposé il y a une dizaine d'années et qui méritait par sa grande allure, par l'ampleur de ses oppositions colorées, les honneurs de la reproduction. Assurément, dans cette Mort mystique d'un théologien, sortie d'une imagination ultra-fantaisiste, les réminiscences de Rembrandt ne sont pas rares, mais la personnalité de l'auteur se marque très fortement dans l'invention des physionomies et dans l'exaltation de la mise en scène. Traduit en héliogravure, le dessin perd un peu du mor dant de son trait, mais l'effet lumineux et décoratif demeure saisissant. Parmi les peintres des générations récentes, M. James Ensor est l'un des plus complexes et des plus attirants. Naturaliste, impressionniste, sym boliste, et même un peu fumiste, il est tout cela tour à tour et parfois simul tanément Dans certaines de ses œuvres il se montre avant tout coloriste raffiné et exaspéré ; d'autres fois la recherche de la lumière et de ses pres tiges dans les intérieurs clos le préoccupe, et il s'y consacra, comme le rap pelle opportunément M. Demolder, l'un des premiers; beaucoup de ses productions portent la marque d'un esprit tristement contemplatif et féroce, alliant le goût du mystère, et de l'énigme aussi, à celui d'un macabre bur lesque où le terrible s'associe au baroque. Il y a beaucoup de raisons pour qu'un tempérament semblable soit demeuré indéchiffrable à la plupart des critiques. Par son analyse pénétrante et sagace, M. Demolder y porte une suffi sante clarté. Il ne dissimule pas les défauts de M. Ensor, la sauvagerie de réalisme de quelques-uns de ses tableaux, son manque de mesure et d'équi libre, son amour du bizarre pour le bizarre, mais il a vite fait de ne plus les voir pour proclamer hautement les précieuses qualités du peintre, du dessi nateur et du graveur, dont il commente et décrit sympathiquement le travail de douze années. Autant que M. Ensor, avec plus d'art d'arrangement, M. Demolder a le don de la couleur plantureuse et savoureuse; sa phrase sonore pose d'instinct les belles notes riches et pleines qui se relient, se parfondent dans un chatoyant tissu d'images énergiques en même temps que subtiles. Et de son étude surgissent nettement, dans leur essentiel caractère, les œuvres évoquées. Le Salon de Gand a lieu. Beaucoup de peintres s'y distinguent, presque