Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/388

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—38o— I Un vent frais souffle des dunes, si fraîchement parfumé qu'il lui semble qu'une haleine de femme a passé sur son col et ses cheveux. Et comme il se retourne tout ému, il voit, longeant les plages blondes longeant la mer, les dunes grises et montueuses toutes couvertes de fraîches fleurs, de fleu rettes jaunes, mauves et bleues. Au creux des dunes, au flanc des dunes sablonneuses s'épanouissent frêles couronnes, tendres clochettes, les claires, légères, pures corolles, fleurs de simplesse, fleurs de passion pure — comme des âmes de vierges au sein du purgatoire. Les dunes pâles clairsemées des . radieuses fleurettes enchantent ses yeux et son cœur et le transportent en des contrées magiques de sa jeune fantaisie, en des pays de simple vie, de constant amour et d'inaltérable félicité. Et comme il regardait longtemps, longtemps les claires dunes diaprées, sans en pouvoir détacher ses yeux, il s'endormit et rêva.

Il se promenait dans un paysage analogue à celui qu'il venait de com- templer. La longue et pâle chaîne des dunes s'allongeait devant lui, grise, solitaire et sauvage, toute semée de vives fleurs, grandies aux souffles sains du vent et de la mer. Le soleil venait de se lever sur la mer et elle brillait toute verte dans la splendeur matinale. Des vents soufflaient parfumés aux bruyères des dunes. Le ciel était d'un bleu resplendissant, à peine voilé par places de blanchâtres vapeurs laiteuses et rosées qui semblaient les bandes dénouées de la ceinture de l'aurore, et lointaines des barques passaient à l'horizon, leurs voiles blanches luisant dans l'azur, comme des ailes de colombe frappées de lumière. Les voix de la mer chantaient, des souffles de bonheur passaient dans le vent et il semblait au prince enthousiasmé qu'il voyait et comprenait toutes ces splendeurs pour la première fois. L'azur n'avait jamais brillé d'un éclat si pur, la mer n'avait jamais paru si jeune, fraîche et calme, et ses yeux n'avaient jamais été caressés, attendris autant que par la sainte floraison de ces dunes décorées et fleuries comme une vallée de paradis. Le ciel était le miroir de son âme vierge, la mer lui chan tait sa jeunesse et sa beauté, et les vents murmurants et les brises lui par laient d'amour et faisaient se gonfler son cœur en sa poitrine. Tout entier à sa joie, avec des remerciements aux lèvres pour le sublime spectacle qui s'offrit à lui, il marchait avec le seul souci de ne point écraser les fleurs sous ses pas. Une dune se dressait maintenant devant lui, plus haute, plus large que les autres et toute couronnée de fleurs à son sommet. Du sein des fleurs surgis sait une frêle cabane de planches que les brises agitaient et que le vent