Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

-34- comme l'hostie et ses cils d'or semblaient le fermoir de l'écrin des célestes clartés. Dans son geste bénisseur, au doigt levé vers le zénith flamboyant, on devinait la candeur des âmes élues, la flamme des flambeaux de neige qui éclairaient le ciel, les cantiques des voix éternelles, le pardon lilial des péchés et les amours d'ivoire des chérubins. Ses yeux appelaient les enfants et les pauvres, et ses lèvres murmuraient les tendres paraboles des légendes bibliques, aussi belles que des cygnes. Il s'auréolait de grâce et de pitié, et il portait en lui la résignation des pêcheurs qui s'embarquent vers des horizons de tonnerre, et la passion des agneaux désignés pour les sacri fices. — Gloire au Seigneur! Gloire au Seigneur ! Jésus allait, magnifiant la foule et les édifices. Quand les étoiles filantes traversent le ciel, elles laissent un resplendissement au long de leur route céleste. Jésus vivifiait encore la lumière en lui versant l'ambroisie de sa présence surnaturelle. Et l ane gris marchait, ses sabots foulant des fleurs, et il agitait les oreilles au son des cloches et des hymnes. — Gloire au Seigneur ! Gloire au Seigneur ! Et voilà le fils de David et d'Abraham, qui descend aussi de Zorobabel et de Jacob, mais qui est né de Marie et qui a été conçu par l'Esprit ! Les Nazaréens jetaient leurs manteaux sous les pas de l'âne; des jeunes filles vêtues de blanc sortirent d'une église pour chanter des cantiques et quand Jésus passa sur la Grand'Place, des enfants grimpés dans les marron niers lui en lancèrent les fleurs. Alors, l'enthousiasme enfla les drapeaux qui s'exaltèrent comme les âmes. Le long de la tour de la cathédrale des frissons étranges coururent. Le peuple se précipitait derrière Jésus. A peine avaient-ils, en leurs yeux avides, reçu la lumière du Christ, que les gens de Nazareth le suivaient, en balançant leurs rameaux — et il était le jardinier qui recueille des hommes, après avoir semé de son geste blanc quelle semence de grâce et de vérité! Il faisait surgir au soleil des moissons de croyances, où brillait, comme des coquelicots, le sang des martyrs et où les cœurs des saintes s'ouvraient en fruits d'extase. Les gens agenouillés, filles aux cheveux de blé, chevaliers en armure, mendiants aux lèvres tremblantes, se rele vaient après son passage, touchés au front par une langue de Pentecôte. La foule suivait, avec des drapeaux qu'on enlevait aux sacristies, et cela faisait un cortège d'exaltation extraordinaire, empli de douceur et de joie bleues et serpentant au loin par les rues décorées de bannières. Euthée les vit en rêve sortir de leur ville à la suite de Jésus monté sur son âne, et prendre à travers les plaines de Judée la voie du martyre et de