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Page:La Justice du Var, année 6, n° 452 (extrait), 10 août 1890.djvu/20

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Hantés par les souvenirs de 1850 et 1851 où ils ne vinrent à bout de la République qu’en se faisant républicains, les réactionnaires rêvent de tenter de nouveau l’aventure. D’autres temps.

Il est vrai, le parti républicain est ébranlé, disjoint. L’ancienne organisation croule sous les efforts de ceux-là même qui en ont profité. Les difficultés du gouvernement, les incidents de toute nature ont relevé à beaucoup un peu de la belle confiance et des grands espoirs d’autrefois. Les questions de personnes ont remplacé la discussion des idées. Prenez les discours de nos jeunes modérés, l’espoir de la bourgeoisie bien pensante, vous y verrez tout ce qu’ils ne veulent pas ; et c’est précisément tout ce que nous voulons, depuis la revision de la Constitution jusqu’aux lois ouvrières. Veulent-ils quelque chose ? Oui : rassurer le monde des affaires. On sait ce que cela veut dire.

L’impôt sur le revenu de Gambetta est devenu l’impôt sur les revenus de M. Burdeau, impôts si extraordinairement mal répartis qu’on ne peut les dégrever sans commettre de telles iniquités, qu’on a plutôt fait de maintenir les iniquités existantes, si révoltantes qu’elles soient. Lisez la discussion de la proposition de M. Jaurès sur la suppression de l’impôt foncier.

Et les lois ouvrières ? Demandez l’histoire de la loi Bovier-Lapierre. Tous ceux que préoccupent les questions sociales avaient mis leur espoir dans les syndicats ouvriers. Aujourd’hui, le gouvernement républicain est en lutte ouverte contre eux.

Où en est-on du vieux programme de la sécularisation de l’État ? On recule avec horreur à la seule idée de son achèvement.

Les lois laïques, ces fameuses lois dont on se vante, on n’en parle que pour déclarer qu’on ne reviendra pas sur ce qui a été fait, ce qui veut dire en français qu’on n’ira pas plus loin et qu’on continuera de ne pas les appliquer. Un parti dont tout le programme est de ne pas reculer, est un parti qui s’abandonne.

L’heure paraissait donc propice pour une entreprise oblique, sinon immédiatement contre la République, tout au moins, d’abord, contre le parti républicain. On a cherché, on a trouvé des républicains dévoyés pour se mettre à la tête de l’aventure. Mais ce n’est et ce ne peut être qu’une aventure. Les monarchistes ont trop longtemps crié qu’il fallait à tout prix détruire la République pour inspirer confiance quand ils disent, tout patelins aujourd’hui, qu’il faut à tout prix la conserver. Que penseraient-ils eux-mêmes de leurs amis s’ils prenaient leur langage au sérieux. Non, amis ou ennemis, personne ne s’y trompe. Tout le monde sent que si les chefs étaient sincères, ils n’auraient qu’à confesser l’erreur du passé et à rentrer dans le rang, ce à quoi ils ne songent guère. Mais ils ne prendront pas plus la République par la ruse qu’ils n’ont réussi à l’emporter d’assaut. (Applaudissements.)

L’immense effort auquel nous assistons