Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/14

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relatait la partie encore inconnue de la biographie de son ami.

— Une sotte querelle sans motifs sérieux, avec votre très humble serviteur, Mademoiselle. Je fus blessé assez grièvement et passai six grands mois à la Bastille, où il m’aurait à coup sûr tenu compagnie sans l’adresse de son frère de lait Vasili, qui s’était déjà précautionné d’une chaise de poste. Nous nous séparâmes après mille protestations d’estime et d’amitié. Nous devions nous retrouver dans la mer du Nord.

— Oh !… Ah !… – C’est prodigieux !… – Incroyable !

— Comme tout ce qui est vrai ! Pour complaire à ma tante Ursule, qui menace de me déshériter quand elle me voit souvent et qui me chérit lorsque je suis loin d’elle, je m’étais embarqué avec quelques aimables compagnons. Maurice, de son côté, achevait son apprentissage de marin. Il sortait d’Amsterdam par une terrible brise de Sud-Ouest, quand Vasili, déjà très passable matelot, descend d’un mât en lui signalant un navire en détresse. C’était le nôtre. Sans lui, nous étions perdus. Son capitaine de route qui lui devait obéissance, car le bâtiment lui appartenait, refusait absolument de se porter à notre secours. Maurice le menace de lui brûler la cervelle. Quelques mutins soutenaient le poltron. Heureusement Vasili et une douzaine de Hollandais enrôlés de la veille interviennent dans la querelle. Nous fûmes recueillis, non sans peines ; notre méchant navire coula dix minutes après. – « Rétabli et en liberté ! disait Maurice en me serrant dans les bras. Où voulez-vous aller ? » – « Nous en causerons à table ! » lui répondis-je. Sa garde-robe fut mise au pillage, et malgré la tempête, Vasili trouva moyen de nous faire servir un excellent dîner. Huit jours après, nous étions en Angleterre. Nous vîmes vingt ports ; il avait cassé aux gages son capitaine de route, dont il remplissait définitivement les fonctions. Bref, depuis lors, je ne me suis plus séparé de lui.