Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/150

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valier lui-même, était bien résolu à respecter la vieille coutume des naturels. Il laissa donc Siloulout achever un discours qui ne concluait à rien moins qu’à une guerre implacable, à l’expulsion des Français, à la destruction radicale de tous ses desseins. Or, tandis que le chef malgache développait longuement et avec une funeste adresse des arguments, – en résumé fondés sur d’excellentes raisons, – le nombre des indigènes allait croissant. Des émissaires secrètement expédiés dans les districts d’alentours y avaient annoncé l’arrivée de Râ-amini et de ses soldats. Une foule de philoubés et chefs de villages, suivis de leurs tribus, descendaient des hauteurs pour prendre part au kabar de débarquement.

— Doucement ! général, dit à demi-voix le chevalier, plus nous allons, plus la partie s’égalise entr’eux et nous. Les drôles sont mieux armés que dans la province d’Anossi, je vois beaucoup de fusils sur leurs épaules… Je commence à craindre, mordious ! que notre pacification ne débute par une bataille générale.

Béniowski voulait à tout prix éviter cette extrémité cruelle.

— Je n’ai pas interrompu le chef Siloulout, dit-il. Je me suis laissé menacer d’une guerre d’extermination. Je sais respecter la trêve sainte du kabar. Mais le chef Effonlahé a reçu le prix de ce terrain, je refuse de le reprendre, je refuse de me retirer. Il faut que j’accomplisse mon œuvre !… – Pourquoi ai-je débarqué des troupes et des canons ? demande Siloulout. – Parce que, dès les premiers jours, vous avez attaqué les miens. – Pourquoi suis-je chrétien, quoique du sang de Ramini ? – Parce que la religion des chrétiens ordonne la paix entre frères… – Quant à mes intentions, serais-je venu parmi vous avec ma compagne malade, mourante et qui a besoin de recevoir l’hospitalité chez des amis ? Serais-je venu avec mon jeune fils tout enfant, si mes intentions n’étaient pacifiques ?