Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ai-je enfin la vie sauve ? demandait-il après chacun des interrogatoires du commandant.

— Non, Monsieur, non ! mais la vérité, rien que la vérité… le moindre mensonge que je découvrirais serait votre perte irrévocable. – Savez-vous, Monsieur, que ce n’est pas sans regrets que je laisserai la vie à un traître de votre espèce. – Il vous sera fourni du papier, des plumes et de l’encre ; je veux vos aveux par écrit.

Un mois entier s’écoula sans que le sort de l’infortuné garde-magasin fût décidé ; mais aussi, dans l’espoir d’apaiser enfin le rigide capitaine de vaisseau, il faisait des efforts de mémoire.

Non-seulement il donna les plus précieux renseignements sur les dispositions secrètes des divers chefs du littoral de Madagascar, – documents qui furent par la suite très utiles à Béniowski ; non-seulement il fournit sur les concussions de l’intendant Maillart des notes accablantes, – mais encore, reprenant à l’origine la révoltante intrigue de Pierrefort et de Luxeuil, il jeta un jour complet sur la biographie secrète de Stéphanof, Estève Finvallen, à bord du Sanglier Batave, et le capitaine Frangon, au fort Dauphin où, sans rencontrer de résistance de la part du Napolitain Colletti, à l’aide de son brevet et de la nouvelle que le chevalier du Capricorne ne devait pas revenir, il s’était installé avec un complément de garnison et un adjudant de place nommé Venturel.

— Il résulte de tout ceci, dit Kerguelen à Béniowski, que M. le capitaine de frégate baron de Luxeuil est un calomniateur de la pire espèce, un dangereux compagnon et un misérable ; – mais aucun fait palpable, aucun crime caractérisé ne me permet de le mettre en état d’arrestation. – Quant à Stéphanof, c’est une autre affaire… Je ne puis, moi, commandant en chef d’une division française, souffrir qu’il abrite plus longtemps