Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/180

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parés et une sorte de trône élevé pour Salomée qui s’exprime facilement dans la langue des Malgaches et s’est étudiée à acquérir leur pompeuse éloquence.

« Lorsque Fleur-d’Ébène et les servantes, libres ou esclaves de notre maison, eurent fait circuler des rafraîchissements, Salomée, qui avait son fils Wenceslas avec elle, – car les enfants n’étaient point exclus, – invoqua Ra-Mariama, c’est-à-dire la vierge Marie qui, d’après les Madécasses, préside spécialement à la naissance des enfants.

« – J’ai parcouru de nombreuses contrées, dit-elle ensuite ; en tous pays, j’ai vu que le sentiment le plus doux et le plus fort à la fois est l’amour maternel. Est-il, je vous le demande, femmes de Madagascar, un trésor qui vaille une caresse de l’enfant qu’on a porté dans son sein, qu’on a nourri de son lait, que l’on conduit par la main après l’avoir longtemps bercé dans ses bras ?… Est-il une étoile plus brillante que son sourire, un chant d’oiseau plus mélodieux que ses premiers bégaiements ? Quel est le fruit dont la saveur égale l’innocente douceur de ses baisers ? Dites-moi, femmes de Madagascar, trouvez-vous lourd votre fardeau lorsque vous portez vos jeunes enfants ?… En aucune contrée du monde, il n’est de fils plus reconnaissants que les vôtres ; et lorsque, débarquant pour la première fois sur la terre d’Anossi, je vis la fille du rohandrian Dian Tsérouge offrir à sa mère le souvenir du dos, mes yeux à moi s’emplirent de larmes ; j’embrassai mon fils avec transport, je regrettai de ne l’avoir point porté comme font les mères malgaches ; car mon fils Wenceslas ne me présentera jamais le fofoun damoussi ! »

« À ces mots, Salomée pressa contre son cœur notre jeune fils. Son exorde avait ému l’assemblée qui ne savait encore à quoi tendait le discours.

« – Il n’aura jamais pour moi la gratitude d’un enfant mal-