Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/184

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défenseurs !… Où êtes-vous, mes enfants ? Les caïmans vous ont dévorés… Vous avez été la pâture des requins ou des fourmis… Et le meurtre de votre père ne sera jamais vengé !… »

« Par une heureuse coïncidence, les philoubés Mahertomp, Raboët et Campan étaient les principaux meneurs de la ligue de nos ennemis. – Salomée ne l’ignorait pas.

« – Suzanne, dit-elle, le repentir plaît au Souverain Seigneur du Zodiaque, et Ra-Mariama la Vierge sainte a entendu tes cris de douleur !

« – Est-il bien vrai, se demandaient entre elles les femmes de Madagascar, que l’époux de notre mère Salomée, au nom de salut, soit du sang de Ramini ?

« Ma femme avait eu soin de préparer un grand nombre de petits scapulaires de soie blanche, ornés de cœurs en étoffe rouge. En mémoire de l’abolition de l’infanticide, elle les distribua entre toutes les femmes qui en firent aussitôt leur parure. Salomée ajouta qu’elle se tenait prête à en donner de semblables à toutes les absentes qui viendraient au Fort, abjurer de même leur infâme coutume. Ces ornements firent fureur ; ils prirent le nom de don de Salomée, ce qui, par une bizarrerie de la langue, signifie en outre joie du salut (alihiza-Salama).

« Des contrées les plus reculées, il devait arriver des députations de matrones pour demander à la comtesse des Dons de Salomée, car l’abominable usage de l’infanticide par superstition existait chez presque tous les peuples de l’île.

« La conséquence du kabar des femmes fut le salut de notre établissement et le mien propre, car Salomée vint me dire :

« – Maurice, je te réponds de la paix !…

« Cette parole me ranima. Je fondis en larmes, le cerveau se dégagea ; je pus, dès le surlendemain, donner audience à