Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/231

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Il jeta un regard au pavillon de la France, regard douloureux qui fut compris de tous les témoins et acteurs de cette scène.

Enfin, se soulevant avec effort, il descendit de sa litière, fit quelques pas et appuyé sur Vasili, il dit d’une voix ferme :

— Princes et chefs malgaches, officiers et soldats français, vous tous, mes compagnons et amis, qui connaissez ma droiture et n’avez jamais ignoré mes desseins, j’avais résolu de resserrer les liens de notre fraternelle association, et sous l’abri du glorieux pavillon français, d’élever Madagascar à un degré de prospérité digne d’exciter l’envie de tous les peuples. Un destin funeste paralyse mes efforts ; je me vois condamné à dissoudre moi-même l’alliance que j’avais formée…

— Non ! non ! général, non !… nous vous resterons fidèles, s’écrièrent tous les officiers et soldats, à l’exception pourtant du nouveau major Venturel, qui ne cessait de soupirer amèrement.

— Bon ! très bien ! dit le chevalier à Flèche-Perçante ; rien n’est désespéré !… Je ne comptais pas sur tout le monde, moi ! Naviguons toujours !

— J’ai renoncé au service du roi de France et ses commissaires ont accepté ma démission ! continua Béniowski ; mais je ne suis pas encore régulièrement remplacé. Je dois et je veux avoir remis à mon successeur le commandement des établissements français avant d’accepter les propositions de mes frères de Madagascar. J’ajourne donc jusqu’à cet instant la réunion de l’assemblée des chefs et des peuples de la Grande-Île, en jurant que ma vie entière leur sera consacrée sous quelque drapeau que ce soit !…

— Vive Râ-amini ! cria Flèche-Perçante.

Les douze cents Malgaches répétèrent : Vive Râ-amini !

— Braves français, je vous ferai mes adieux alors ! ajouta Béniowski.