Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/24

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visite, j’ai voulu, d’une manière adroite, lui exprimer mon admiration, sonder le terrain, préparer une déclaration en règle… Bah ! impossible ; j’étais si penaud, ma foi, que faute de me faire valoir moi-même, je me suis rejeté à corps perdu sur votre éloge… À charge de revanche, cher ami !… Sans votre secours, je passe à l’état de harpe éolienne, et j’en suis réduit à m’enrôler dans les lansquenets pour sauver ma réputation.

— Je ne trahirai pas votre confiance, Richard, répondit Béniowski en lui prenant la main ; je ferai connaître à mademoiselle Salomée et à ses parents, tout ce que vos dehors frivoles cachent de grandes qualités, de désintéressement, de dévouement et d’honneur ! En me conduisant ainsi, je ne ferai que vous rendre ce que vous avez déjà fait pour moi, et me comporter avec la loyauté d’un rival qui vous aimera toujours comme un frère…

— Rival ! vous, mon rival ! Maurice ?… j’en suis désolé !…

Sur ces mots le vicomte se prit à rire.

— L’aventure a son côté badin !… Vous plaît-il de l’accepter telle quelle. Je fais la cour pour votre compte, vous la faites pour le mien…

— Il n’est plus temps d’agir autrement, mon ami ; je vous dois au contraire de vous rendre quelques avantages ; je fus hier soir très-sentimental…

— Malgré la fièvre ?

— La fièvre aidant ! Salomée m’a ravi par sa seule présence, je me suis tout à coup senti délivré de mes haines, et, par je ne sais quelle heureuse inspiration, je lui ai récité quelques strophes d’un de nos poèmes nationaux qui traduisaient clairement l’état de mon cœur…

— Aïe ! fit le vicomte, votre ambassadeur risque, je le vois, de réussir bien au-delà de ses vœux.