Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/305

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Presque tous ces potentats avaient été matelots dans leur jeunesse. L’un d’eux, simple batelier de la Tamise, dut sa fortune à un meurtre qu’il avait commis et après lequel il s’expatria ; les autres provenaient de l’équipage du capitaine Tew ou de la troupe d’un certain Avery dont le nom fit grand bruit en Europe au commencement du xviiie siècle.

Avery montait, en qualité de contre-maître, un navire anglais loué par l’Espagne pour aller dans les possessions d’Amérique combattre les contrebandiers français. L’équipage, composé d’aventuriers, se laisse débaucher aisément ; Avery se débarrasse du capitaine, s’empare du navire, fait à Madagascar alliance avec les pirates, et part de conserve pour croiser à l’entrée de la mer Rouge. La flottille captura un bâtiment du Grand-Mogol, dont la fille allait en pèlerinage à la Mecque. La cargaison, chargée d’offrandes d’une immense valeur, fut pillée et partagée ; mais Avery abusa de la confiance de ses compagnons, leur vola leurs parts de prises, et, après bien des traverses, vint se faire voler à son tour en Angleterre, où il mourut de misère, tandis qu’il passait pour avoir épousé la fille du Grand-Mogol et fondé aux Indes une nouvelle monarchie.

Les forbans qu’il avait trompés revinrent à Madagascar, où ils rentrèrent dans leurs fortins, et se battirent les uns contre les autres ; mais leur extermination générale ayant été résolue par les indigènes, ils en furent avertis à temps, se réunirent, et ligués contre le danger commun, se transformèrent en marchands d’esclaves, essayèrent de s’emparer par ruse de plusieurs navires négriers, mais ne réussirent pas, tant ils excitaient de défiance.

England, l’un des chefs pirates qui sortirent de la Providence avant la capitulation de 1717, arriva en 1720 à Madagascar, après avoir écumé l’océan Atlantique, les côtes du Brésil et le golfe de Guinée. Les gens de sa troupe espéraient trouver dans la Grande-Île quelques anciens camarades qui reprendraient la mer avec eux ; ils n’atterrirent point dans la même partie du littoral, bâtirent quelques cases sur la côte et y vécurent comme à la Providence. Ils faisaient la course dans les mers des Indes, relâchaient aux îles Mascareignes et revenaient souvent à Mada-