Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/44

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— Du calme, général, du calme ! dit le chevalier en souriant. Nous sommes dans d’assez vilains draps sans les salir davantage.

— Qu’on mette aux fers ces deux bandits !… commanda le baron ; puis, s’adressant à son état-major : – À table, Messieurs !… J’ai failli, je crois, me mettre en colère !

— Si jamais la veine tourne et que je tienne ce joli cœur, reprit le chevalier entre ses dents, je lui apprendrai à rire mieux que ça !

Béniowski promena un regard triste et fier sur les membres de l’état-major de la Pomone ; puis, élevant la voix :

— Au nom du roi votre maître, Messieurs ! je proteste contre la violation du droit des gens dont je suis victime !

— Silence ! cria Luxeuil, et aux fers !… Lieutenant Kerléan, faites donc exécuter mes ordres !

Le lieutenant Kerléan obéit militairement à son chef, mais sut mettre une courtoisie parfaite dans l’accomplissement de sa pénible mission :

— Messieurs, dit-il à Béniowski et au chevalier en se découvrant, veuillez me suivre.

Béniowski comprit que le vieil officier était convaincu de son innocence, mais ne pouvait, par respect pour la discipline, exprimer ouvertement ce qu’il pensait. Il le suivit donc sans résistance, après lui avoir rendu son salut avec une grâce remarquable.

— Bandit peut-être, mais à coup sûr gentilhomme et méritant au moins la faveur d’être fusillé ! se dirent à demi-voix deux enseignes de la frégate.

Quant au chevalier de Madagascar, il se préoccupa beaucoup de ses aises, demanda au lieutenant Kerléan des matelas et s’informa de la ration.

— Vous n’êtes encore que des accusés, Messieurs, dit le