Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/53

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une mêlée corps à corps ; de général, transformé en simple soldat, j’attirai sur moi la furie des plus braves. – Deux coups de sabre me faisaient déjà perdre beaucoup de sang ; tout à coup une batterie se démasque, je suis démonté par un éclat d’obus et je tombe parmi les morts. – J’ai su plus tard que le vicomte de Chaumont finit par avoir le dessus, mais je ne revins à moi que pour me voir prisonnier des Russes et prisonnier pour la seconde fois. La première, j’avais payé rançon, et je devais me croire libre de retourner parmi les confédérés ; on me fit un crime de ma fidélité à la cause polonaise. Je fus traité en rebelle. Le ministre Panin que précédemment j’avais eu l’occasion de vaincre ne me pardonnait pas sa défaite. Je fus impliqué dans un procès de haute trahison et après des tortures odieuses exilé au Kamchatka. Au bout d’une année entière de voyage à travers la Sibérie, j’y arrivai en décembre 1770 avec plusieurs compagnons d’infortune, parmi lesquels je mentionnerai le Kosaque Stéphanof, qui signe aujourd’hui Estève Finvallen, comme je viens de l’apprendre par le résumé de l’acte d’accusation.

Béniowski raconta brièvement ensuite comment par un concours de circonstances assurément fort invraisemblables, mais rigoureusement vraies, il s’était trouvé, d’une part, choisi par tous ses compagnons de captivité pour diriger un grand complot d’évasion, et de l’autre, malgré son infime position d’esclave, admis dans l’intérieur de M. de Nilof, gouverneur du Kamchatka :

— Ma qualité de magnat de Hongrie et de staroste de Pologne, mon grade de général, ma réputation singulièrement exagérée me valurent l’accueil le plus inattendu, et mes liens de parenté avec la reine de France me firent traiter de prince. J’avais à peine trente ans. La famille de Nilof ignorant que je fusse marié en Hongrie rechercha mon alliance.