Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/62

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trouver de nobles échos dans les cœurs de tous les membres du conseil, excepté dans celui du baron de Luxeuil.

Le portrait d’Aphanasie, le récit de ses malheurs, celui de son désespoir filial, et enfin de ses relations avec le vicomte de Chaumont-Meillant ; l’éloge de ce jeune et brillant gentilhomme que M. Cerné de Loris connaissait de réputation ; les cruelles suppositions de l’accusé, qui déplorait avec une touchante éloquence la perte de son loyal ami et celle de la jeune fille ; les larmes qu’on vit dans ses yeux ; sa profonde douleur enfin, produisaient un effet inexprimable.

Béniowski ne devait pas tarder à exciter l’admiration de son auditoire de marins, par la relation de son naufrage.

Quand il se montra gagnant enfin la terre avec deux radeaux et accueilli par la fusillade des Chinois qui montaient la Pescadora, le commandant Cerné de Loris lui-même n’eut point la force de le blâmer d’avoir capturé cette jonque. Aussi le rapporteur demanda-t-il la parole pour faire remarquer que l’accusé, de son propre aveu, avait par deux fois fait la guerre aux sujets de l’empereur du Céleste-Empire dont Sa Majesté le roi Louis XV recherchait l’alliance.

— Messieurs, s’écria Béniowski, M. le baron de Luxeuil est-il un rapporteur impartial ou un ennemi personnel ? Vous aurez à juger en conscience après cette simple question : – Qu’aux îles Pouhou, si l’on nous eût laissé débarquer, on nous eût fait prisonniers de guerre, l’on aurait usé d’un droit rigoureux, d’un droit cruel, mais non d’injustice… Au lieu de cela, on nous reçoit à coups de fusil… Que devions-nous, que pouvions-nous faire ?

— Continuez l’exposition des événements et ne plaidez pas votre cause, interrompit le président ; nous ne prononcerons point sans avoir écouté votre défense. À présent, il s’agit d’instruire l’affaire, puisque l’instruction préalable nous fait défaut.