Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/63

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Le baron de Luxeuil devint pourpre de dépit ; son mécontentement redoubla, lorsque M. Cerné de Loris ajouta d’un ton chaleureux :

— Des naufragés réfugiés sur leur planche de sauvetage sont semblables à des blessés qu’on épargne et qu’on doit secourir après le combat. L’accueil fait à Béniowski par la garnison des Pouhou est barbare, impie, contraire aux premières notions d’humanité. Si l’appui donné au prince Huapo dans l’île de Formose par l’équipage du Saint-Pierre et Saint-Paul est, politiquement, une fâcheuse affaire, l’embuscade des Chinois aux îles Pouhou est une de ces iniquités révoltantes que les ministres du Céleste-Empire ne sauraient approuver et n’approuveront pas.

— M. le président influence messieurs les membres du conseil en faveur du chef des accusés ! dit le baron de Luxeuil avec exaspération.

— Pour la seconde et dernière fois, M. le rapporteur, je vous rappelle à l’ordre ! répliqua vivement le capitaine de vaisseau président. Encore une interruption, Monsieur, je lève la séance, je dissous le conseil, et avant d’en convoquer un autre pour l’affaire qui nous occupe, je vous fais traduire vous-même devant une commission militaire sous l’accusation d’avoir entravé la justice du roi !… J’ai dit !

L’incident était inouï dans les fastes de la jurisprudence maritime ; il ajoutait aux débats un poids nécessairement favorable à l’accusé, puisque le rapporteur ne pouvait plus être que partial.

— Je me vengerai ! pensait le baron. Plions aujourd’hui devant la force brutale. Je suis, grâce au ciel, protégé par de puissants personnages, et M. de Loris, lui, est la créature de M. de Choiseul, l’ancien ministre. Malheur à tous ces gens-ci !