Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/77

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naufrage du Saint-Pierre et Saint-Paul sur un écueil à pic du canal de Formose.

Emporté par la tempête qui suivit la rencontre du Sanglier-Batave, le navire y demeura cloué.

Trois lames gigantesques déferlèrent impétueusement sur ses débris. Chaloupes, pavois, mâture, tout ce qui avait résisté au premier choc fut enlevé. Vingt hommes disparurent balayés par les vagues.

L’avant du navire, entièrement séparé de l’arrière, coula sur le banc d’écueils de manière que l’extrême proue et, chose bizarre, le fameux dragon des Chinois de Formose, restèrent hors de l’eau. Quelques matelots trouvèrent asile sur le tronçon du mât de beaupré.

L’arrière, poussé en sens inverse, tournoya, se pencha, craqua de nouveau ; puis, tout à coup, demeura immobile. La mer, qui remplissait les cavités béantes du bâtiment, se retirait avec fracas ; elle retombait en cascades à plus de trente pieds du sommet des roches. – La poupe resta complètement à sec.

La tempête redoublait de fureur. L’écume salée des vagues aveuglait Béniowski et ses compagnons, renversés sur le tillac, cramponnés à des cordes, et qui s’attendaient à être emportés par un nouvel assaut de la mer, dont le retrait ne pouvait être que momentané.

On n’entendait les cris de désespoir, les blasphèmes, ni les invocations pieuses des naufragés. Les clameurs du vent et des flots couvraient toutes les clameurs humaines.

Le chevalier Vincent du Capricorne se releva, s’essuya les yeux et poussa un juron madécasse, suivi de cette réflexion héroïque : « Mieux vaut noyé que pendu !… » Cap de bious ! je vais donc faire mentir le vieux proverbe : « Ne périra jamais dans l’eau celui qui est né pour la corde. »