Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/85

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faudrait, par supposition, pour bourrer une pipe grosse autant que Paris.

— As-tu passé Gascon, Sans-Quartier ? demanda Jambe-d’Argent en souriant de bonne grâce.

— Je n’ai pas même passé caporal. Je ne connais pas mon pays, ayant été ramassé sur une grand’route à l’âge de quatre ans par un postillon…

— Connu ! interrompit Jambe-d’Argent, tu étais aventurier avant de naître.

— Et je le serai encore après ma mort, ayant idée qu’on court de terribles aventures dans l’autre monde !… Pour le présent, notre trouvaille en doublons, me rend la gaîté !

— Tu étais donc triste, Sans-Quartier ? Je ne m’en suis pas aperçu…

— Parbleu ! tu avais ton bonnet de nuit sur les yeux.

— Mon bonnet de police, passe !

— C’est-il pas ton bonnet de jour et de nuit, tout de même ?

— Ah ! Sans-Quartier !… répliqua Jambe-d’Argent après un soupir, j’ai eu grand tort de me laisser enrôler par paresse de peur de labourer la terre chez papa et maman !

— Je ne t’ai jamais entendu pleurnicher de même ! Corne de licorne ! comme dit notre capitaine, tu as labouré la mer, les îles, les glaces, les sables d’Afrique et les forêts de l’Inde, sans parler de Madagascar… et tu te plains quand tu as en ceinture de quoi acheter un village dans ta province.

— Si j’y étais, à la bonne heure !…

— Nous voici bien revenus du royaume aux banquises, du Japon et des îles Pouhou… Sans notre naufrage, ta part serait en fourrures à moitié pourries, au lieu qu’à cette heure, elle ne risque plus de moisir.

Ainsi devisaient les deux camarades, non sans mêler à leurs