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CONTES DROLATIQUES
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le noble Miguel Antonio Etchegobar, un des rares Espagnols ayant le cœur d’un Français, parti il y a douze ans avec l’intrépide Pizarre à la conquête des mondes nouveaux, et qui à peine de retour, traverse les Pyrénées pour me venir embrasser. Çà, qu’on massacre la basse-cour pour le bien recevoir, et qu’on monte, du cellier, mon Villaudrie de la grande année ! Et vous, ma mie, allez vous vêtir de vos ajustements les plus somptueux ; je suis fier de présenter ma jeune femme à mon vieil ami, et je veux qu’il la trouve belle !

— Imbécile, pensa en lui-même le comte Adalbert furieux. Mais enfin, celui-là a la cinquantaine et Izoline m’aime, j’en suis certain maintenant. C’est toujours moi qu’elle regardait, à table, au moment de sa grande tristesse, et son regard était plein de muets reproches. Ah ! si ces deux vieilles futailles pouvaient éclater à force de boire, et crever toutes les deux !


— Sapristi ! pensa Adalbert

Perfide Izoline.

Et il rentra pour faire part à sa mère ce pieux souhait.

IV

Or, il advint une chose tout à fait surprenante. L’héroïque Miguel Antonio Etchegobar n’était pas depuis huit jours au château des Engrumelles, que les choses y changeaient complètement d’aspect. Izoline n’avait plus l’air triste du tout, et semblait, au contraire, presque délurée. Elle avait la figure joyeuse des dames à qui rien n’a manqué dans leur ménage.

— Sapristi ! pensa Adalbert. Est-ce que cette canaille d’Ibère… Et, comme il voyait le baron rayonnant aussi, gai comme un pinson, rajeuni de dix ans, pour le moins, en attendant mieux, il se mit à penser encore :

— Oh ! l’imbécile qui ne voit pas !