Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/131

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attendre les nouvelles. Si la Sonore n’est pas vendue, on m’assure les moyens de la conquérir. Mais les idées changent si vite ! Les marchands de chandelles et de mélasse, les épiciers obtus, les banquiers rapaces, les imbéciles qui sont tout parce qu’ils ont de la monnaie, ces lâches voleurs, que Dieu confonde ! sont hardis aujourd’hui, demain timides. Ils flairent un beau coup, ils promettent. Qu’est-ce qu’un mensonge pour ces gens ?

» Quelle idée cependant, quelle idée fut jamais mieux faite pour être comprise par un homme ayant de l’argent au service d’une haute intelligence et d’un cœur sympathique. Mais allez donc demander de l’intelligence et du cœur à cette synagogue d’usuriers qu’on appelle San Francisco ! Il y a ici d’honnêtes filous qui possèdent dix millions ; il y a des misérables qui volent ou perdent cent mille piastres dans une seule nuit de jeu ; il y a des gredins qui jettent en un an vingt-cinq ou trente mille francs de rente sur le ventre d’une c…, et tout ce monde ignoble, Américains et Français, ne consacrerait pas une obole à la fécondation d’une idée qui peut donner l’aisance à des milliers d’hommes, ouvrir à l’humanité une voie nouvelle. Pas un de ces millionnaires, en qui quelque chose de noble rachetât ces millions honteux, qui soit venu me dire : — Je vous ai compris, ce que vous faites est grand. Il vous faut de l’argent, en voici ! C’est peu de chose pour moi, pour vous c’est tout. Réussissez ! — Non ! ceux qui donnent ne le feront qu’avec l’espoir de tirer une grosse usure de mon sang et de celui de mes compagnons… C’est un marché ; ils y mettent leur argent, moi, ma tête !. . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, mon idée est grande !

» Le Mexique est un pays où la civilisation ne peut entrer que violemment. Ce que Fernand Cortez a fait pour l’empire des Astèques, il faut le recommencer aujourd’hui ; il faut qu’une race plus forte vienne prendre la place des descendants énervés de ce grand homme, mélange impuissant de deux races également abâtardies, métis hispano-indiens, pires que les peuples dont il fit cadeau à Charles-Quint.

» Un peuple n’a pas le droit aujourd’hui de laisser ses champs infer-