Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/164

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nent plus chers, et, du plus profond de mon cœur, je leur suis reconnaissant pour les heures de joie que leur affection m’a données. N’oublie pas surtout Edme de Marcy, car il est celui de tous qui m’a le plus aime et à qui je l’ai le mieux rendu.

» J’ai laissé à San Francisco des papiers qui te seront envoyés et probablement apportés par une personne sûre. Tu retrancheras de ces papiers et tu brûleras tout ce qui te paraîtra peu convenable, ainsi que certains écrits tout à fait intimes. Après avoir émondé scrupuleusement ces manuscrits, tu les garderas, pour qu’ils servent de pièces justificatives dans le cas où ma mémoire étant attaquée, tu aurais à la défendre. Lorsque ton fils aura vingt ans, tu pourras les lui communiquer. Puisque tu veux en faire un homme, tu lui diras d’étudier un peu ce qu’était l’oncle Gaston.

» J’ai encore quelques recommandations à te faire ; je les écris à mesure qu’elles se présentent à mon esprit. J’ai laissé en Afrique, entre les mains de …, d’autres manuscrits, des livres et un portrait de ma mère. J’ai réclamé ces divers objets pendant des années, sans qu’il m’ait été possible de me faire rendre quoi que ce soit. Ce sont encore des choses qu’il te serait aussi agréable à toi de posséder, qu’il me ferait plaisir à moi de les savoir entre tes mains. — Il est temps de terminer cette lettre déjà longue. Lorsque tu réfléchiras à ma vie, pense qu’il est des natures exceptionnelles que leurs qualités et leurs défauts emportent à travers des voies étranges. Il ne faut les juger qu’avec une grande modération. Adieu, mon bon frère, continue ta vie comme tu l’as fait jusqu’à ce jour ; tu seras dans le vrai. Continue à te consacrer à ta femme et à tes enfants ; faites-moi revivre au milieu de vous par la pensée, et croyez bien que le plus vif regret que j’éprouve, c’est de n’avoir pas, avant de mourir, quelques heures à passer avec ma famille.

» Adieu encore pour la dernière fois, et au revoir dans un monde meilleur.

» Gaston. »