Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/29

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quable et faisait des vers charmants à ses moments perdus. Nul ne concevait plus rapidement et n’exécutait plus résolument. Causeur spirituel, il devenait, en s’animant, orateur chaleureux, et son éloquence entraînante charmait ceux même qu’il attaquait. Tout en lui était premier mouvement, impétuosité, passion. Un jour quelqu’un lui dit :

— Mais Gaston, quand donc serez-vous calme ?

— Quand je serai mort ! répondit-il.

Il était sincère, ouvert, et d’une sûreté de relations sans égale ; mais, comme son père, il supportait difficilement la contradiction, et ceux qui le connaissaient peu le trouvaient hautain et dédaigneux. Ce qui dominait en lui, c’était le besoin d’initiative, de commandement, de puissance. Il étouffait dans la société moderne et cherchait en vain une place à sa taille. La vie bourgeoise, la lutte des intérêts matériels lui faisaient lever le cœur ; il voulait agir, il appelait l’action, et tout ce qu’il rencontrait lui semblait mort, mesquin, aplati, inutile.

Un soir, après un souper joyeux avec des amis de son âge, il se laissa aller à une de ces rêveries qui le prenaient souvent quand il était seul.

— À quoi songez-vous ? lui demanda-t-on.

— Je songe que nous sommes des malheureux, répondit-il, et que nous perdons notre jeunesse en des sottises. Qu’a de plus ce souper que celui d’hier ? Qu’aura de plus celui de demain ? Oh ! je voudrais faire quelque chose de grand !

C’était bien l’homme : au milieu de sa vie élégante, pendant ses folies les plus grandes, aux jours de ses fan-