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II

Gaston avait dix-neuf ans : c’était ce qu’on est convenu d’appeler un cavalier accompli. Moyen de taille, mais admirablement bien proportionné, il était souple et élégant dans ses moindres mouvements. Son front large et pur rayonnait d’audace et de résolution. Il avait la chevelure blonde et la barbe fauve, le nez droit et fin, l’œil superbe, humide, ardent, par moments insoutenable de fixité lumineuse.

« La première fois que je l’ai vu, nous écrit un de ses amis les plus intimes, il était à écrire, assis en dehors de sa table, sur l’angle de sa chaise, droit sur ses reins, la tête haute. Sa voix, son geste, son regard, tout en lui dictait des ordres. Je l’ai revu depuis en vingt circonstances : dans les clubs, dans la rue, dans le monde, chez lui, j’ai toujours retrouvé ces allures fières, cet air de commandement, ces mouvements impérieux, et tout cela sans jactance, sans emphase ; il avait vraiment de la race. »

Une infirmité cruelle déparait seule cette riche nature. Gaston était presque sourd et parfois même sourd tout à fait. Les conditions atmosphériques avaient une grande influence sur ses organes : en temps sec, il entendait à merveille. Quelque temps qu’il fît, il entendait toujours les voix familières.

Cette malheureuse surdité exceptée, personne n’était mieux doué ; écuyer intrépide, prévôt d’escrime, fin tireur, il chantait avec goût, dessinait d’une façon remar-