Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/37

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» Foulé par le destin, le destin que tu railles,
» Destin toujours aveugle et toujours sans entrailles !
» Tu souffriras ! ton or glissera dans ta main,
» Tu seras pauvre et seul ; tu gagneras ton pain ;
» Tes jours seront mauvais sur la terre lointaine,
» Au delà de ces mers où l’avenir te mène.
» Reverras-tu jamais ton antique berceau
» Et ton vieil écusson, gravé sous le créneau ?
» Souvent les souvenirs, sur ta bouche attendrie,
» Mêleront les sanglots au nom de la patrie ;
» Mais la reverras-tu ?… Loin, par delà les flots,
» Qui sait, qui pourra dire où dormiront tes os ?
» Est-ce la bête fauve ou la blanche colombe
» Qui dans l’ombre des nuits visitera ta tombe ? »
 
La pauvre bohémienne, hélas, aura raison !
Ingratitude, oubli, mensonge, trahison,
Se mêlent dans la coupe où tes lèvres avides
Vont aspirer la vie et qu’il faut que tu vides !

« — Cœur altéré d’amour, tu chercheras l’amour
» Comme l’œil de l’aiglon cherche l’éclat du jour,
» Comme le daim blessé court à travers les plaines,
» Cherchant l’ombre des bois, l’eau claire des fontaines.
» Croyant, et plein d’espoir, ton cœur se donnera.
» Aime donc, et malheur ! car on te trahira !
» Oui, malheur ! mais surtout à chaque destinée,
» Par un hasard quelconque à la tienne enchaînée !
» Jusqu’au jour du triomphe !… oui… jusques à ce jour,
» Quiconque t’aimera, mourra de cet amour ! »

Citons, pour finir, ce refrain étrange d’une chanson faite à table, un soir de folie, et que les événements ont rendu si tristement prophétique :