Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/45

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victoire pacifique que son premier acte abolissait l’échafaud. Un grand poète tenait en main ses destinées, et sa voix calmait comme par enchantement les plus terribles émotions populaires. Comment rester en dehors de ce mouvement généreux ? Comment se condamner à l’inaction au moment où la vie exhubérait, où chaque activité allait trouver son emploi ? Gaston n’hésita même pas. Il réalisa à des prix désastreux ce qui lui restait et accourut dans sa province natale mettre au service des idées nouvelles sa jeunesse et son énergie.

Il serait puéril de faire du comte de Raousset un démocrate socialiste, mais il est aussi impossible de voir en lui, comme certaines susceptibilités n’ont pas craint de le demander à notre complaisance, un royaliste déguisé, hurlant une heure avec les loups. La franchise et la loyauté de son caractère se refusent également à cette duplicité. Gaston avait salué sincèrement la République, il l’avait acceptée, il l’a défendue. Ses professions de foi aux électeurs des Bouches-du Rhône et de Vaucluse, ses discours dans les clubs, ses articles dans le journal qu’il a dirigé pendant un an, le prouvent surabondamment. À coup sûr, il n’eût pas renversé la monarchie, mais la monarchie à bas, il en faisait bon marché. C’était un aristocrate, soit : Alcibiade l’était bien.

Quand il venait dans les clubs de Vaucluse, en habit noir, en gants blancs, les portefaix du Rhône disaient : Vaqui lou conté ! (Voici le comte.) Gaston, en effet, dans cette ville d’Avignon où comtes et marquis ne manquent certes pas, était le comte par excellence. Il est resté le comte jusqu’à la fin de sa vie, quelle que fût sa fortune.

À San Francisco, nous le verrons endosser courageuse-