Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/50

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hamac de troisième classe. Où allait-il en réalité ? — Il n’en savait rien. Au lieu de cet air épuisé d’une civilisation vieillie, il voulait respirer l’air libre, et, tête baissée, il se jetait dans l’inconnu !…

Pauvre Gaston ! combien de mains ont cordialement serré la sienne au départ, qui ne croyaient pas à la dernière étreinte ! Combien de voix lui ont dit : au revoir, sans se douter qu’elles disaient : adieu !

M. de Raousset a raconté dans une longue et charmante lettre son voyage de Southampton à San Francisco. Nous la donnons en entier, persuadés que le lecteur préférera son récit pittoresque à une narration de nous, nécessairement moins fidèle et plus pâle.

« À bord de l’Ecuador, 22 juillet, par le 10e de lat., 84e de long.

» L’Ecuador est un petit steamer qui danse à cette heure sur la grande houle du Pacifique. Malgré ces détestables conditions, je vais essayer de l’écrire, mon cher ami, conditions mauvaises en effet, car les plumes en fer me poursuivent jusqu’à tes antipodes.

» Il est midi ; le soleil est en ce moment perpendiculaire au pont du navire. Le passager stupéfait cherche vainement son ombre ; la houle est forte et mon chien hurle sur l’avant ; pauvre bête, comme son maître, il aspire à la liberté. Singulier navire ! Le pavillon est anglais, le capitaine américain, l’équipage un peu de partout. Du reste, il marche bien, et si nous trouvons du charbon à San Blas, sur la côte du Mexique, nous pourrons être dans vingt-cinq jours à San Francisco.

» Seul à bord, probablement, je pense et j’écris. Une centaine de passagers sont vautrés, de çà, de là, dormant et suant, seules choses que puisse faire un étranger dans ces torrides régions. Tout ce monde-là vient de États-Unis, la plupart sont, d’origine. Espagnols, Allemands ou Français. La soif de l’or les traîne tous par le même chemin.