Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/13

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dérange l’esprit, ou bien qu’à un certain degré de chaleur la raison s’égare, il faut lui prouver le contraire ou se taire. Si un astronome habile démontre, malgré Josué, que la terre & tous les globes célestes tournent autour du soleil, il faut, ou mieux calculer que lui, ou souffrir que la terre tourne.

Mais les théologiens, qui par leurs appréhensions continuelles pourroient faire croire aux foibles que leur cause est mauvaise, ne s’embarrassent pas de si peu de chose. Ils s’obstinerent à trouver des semences d’hérésie dans un ouvrage qui traitoit de physique : l’auteur essuya une persécution affreuse, & les prêtres soutinrent qu’un médecin, accusé d’hérésie, ne pouvoit pas guérir les gardes-françoises.

A la haine des dévots se joignit celle de ses rivaux de gloire : celle-ci se ralluma sur un ouvrage de M. la Mettrie, intitulé la Politique des médecins. Un homme plein d’artifice, & dévoré d’ambition, aspiroit à la place vacante de premier médecin du roi de France ; il crut, pour y parvenir, qu’il lui suffisoit d’accabler de ridicule ceux de ses confreres qui pouvoient prétendre à cette charge. Il fit un libelle contre eux, & abusant de la facile amitié de M. la Mettrie, il le séduisit à lui prêter la volubilité de sa plume & la fécondité de son imagination : il n’en fallut pas davantage pour achever de perdre un homme peu connu, contre lequel étoient toutes les apparences, & qui n’avoit de protection que son mérite.

M. la Mettrie, pour avoir été trop sincere comme philosophe & trop officieux comme ami, fut obligé de renoncer à sa patrie. Le duc de Duras & le vicomte du