Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/14

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Chaila lui conseillerent de se soustraire à la haine des prêtres & à la vengeance des médecins. Il quitta donc, en 1746, les hôpitaux de l’armée, où M. de Séchelles l’avoit placé, & vint philosopher tranquillement à Leyde. Il y composa sa Pénélope, ouvrage polémique contre les médecins, où à l’exemple de Démocrite, il plaisantoit sur la vanité de sa profession : ce qu’il y eut de singulier, c’est que les médecins, dont la charlatanerie y est peinte au vrai, ne purent s’empêcher d’en rire eux-mêmes en le lisant : ce qui marque bien qu’il se trouvoit dans l’ouvrage plus de gaieté que de malice.

M. la Mettrie ayant perdu de vue ses hôpitaux & ses malades, s’adonna entierement à la philosophie spéculative ; il fit son Homme machine, ou plutôt il jetta sur le papier quelques pensées fortes sur le matérialisme, qu’il s’étoit sans doute proposé de rédiger. Cet ouvrage, qui devoit déplaire à des gens, qui par état sont ennemis déclarés des progrès de la raison humaine, révolta tous les prêtres de Leyde contre l’auteur : calvinistes, catholiques & luthériens, oublierent en ce moment que la consubstantiation, le libre arbitre, la messe des morts & l’infaillibilité du pape les divisoient ; ils se réunirent tous pour persécuter un philosophe, qui avoit de plus le malheur d’être François, dans un temps où cette monarchie faisoit une guerre heureuse à leurs Hautes-Puissances.

Le titre de philosophe & de malheureux fut suffisant pour procurer à M. la Mettrie un asile en Prusse, avec une pension du roi. Il se rendit à Berlin au mois de février de l’année 1748 ; il y fut reçu membre de l’académie royale des sciences. La médecine le revendiqua