Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/146

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rement afFedée par les difpolitions des fensintcfneSr^ que par l’imprellion des excernes ; tandis que ceux qui ont une imagination forte , font vivement affectés & remués par les moindres caufes ; & on peut dire que ceux-là ont é<é favorifés de la nature , puifque pour travailler avec fuccès aux ouvrages de ge’nie & de fentiraent , il faut une certaine force dans les efprits, qui puiiTe graver vivement & profondément dans le cerveau les idées que l’imagination a faites , & les pallions qu’elle veut peindre. Corneille avoit les organes doués fans doute d’une force bien fupérieure en ce genre ^ fon théâtre efl : l’école de la grandeur d’ame , comme le remarque M. de Voltaire. Cette force fe raanifeilc encore dans Lucrèce même , ce grand poëte , quoique le plus fouvcnt fans harmonie. Pour être grand poëte , il faut de grandes pallions.

Quand quelque idée fe réveille dans le cerveau avec autant de force , que lorfqu’elle y a été gravée pour la première fois , & cela par un effet de la mémoire & d’une imagination vive , on croie voir au dehors l’objet connu de cette penfée. Une eau fe préfente , interne, forte, jointe aune mémoire vive , jette les plus fages dans cette erreur, qui efl fi familière à ce délire fans fièvre à.ts mélancoliques. Mais ^ la volonté fe met de la })artie , li les fentimens qui en réfultent dans l’ame ,