Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/147

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del’Ame. 131

l’irritent, alors on eft, à proprement parler , en fureur.

Les Maniaques occupés toujours du même objet, s’en font fi bien fixé Vidée dans l’efprit , que l’ame s’y fait & y donne fon confentement, Plufieurs fe reffemblent , en ce que , hors du point de leur folie, ils font d’un fens droit & fain : & : s’ils fe laiffcnt féduire par l’objet même de leur erreur, ce n’efl : qu’en conféquence d’une faufle hyporhere , qui les écarte d’autant plus de la raTon , qu’ils font plus conféquents ordinairement. Michel Montagne a un chapitre fur l’imagination , qui eft fort curieux : il fait voir que le plus fage a un objet de délire , &c , comme on dit , fa folie. Ceft une chofe bien linguliere & bien humiliante pour l’homme, de voir que tel génie fublime, dont les ouvrages font l’admiration de l’Europe , n’a qu’à s’attacher trop long-temps à une idée (i extravagante , fi indigne de lui qu’elle puiffe être , il l’adoptera, jufqu’à ne vouloir jamais s’en départir ; plus il verra & touchera, par exemple, fa cuiffe & fon nez, plus il fera convaincu que lune eft de paille , & l’autre de verre ; & aulli clairement convaincu qu’il l’eft du contraire , dès que l’ame a perdu de vue fon objet , & que la raifon a repris fes droits. C’eft ce qu’on voit dans la manie. Cette maladie de l’efprit dépend de caufes corporelles connues ; & fi on a tant de peine à la guérir, I 2