Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/177

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temment ; ils prérendent, que le boa ou le mauvais goût , n’efl : qu’un jugement raifonnable , ou bizarre, que l’amc porte de fts propres fenfations. Celles , difent-ils , qui plaifent à la vérité à quelques-uns, toutes défedueufes & imparfaites quelles font , parce qu’ils en jugent mal , ou trop favorablement ; mais qui dcplaifent , ou répugnent au plus grand nombre, parce que ces derniers ont ce qu’on appelle un bon efprit , un efprit droit ; CCS fenfations font Fobjet du mauvais goût. Je crois , moi , qu’on ne peut fe tromper fur le compte de fes fenfations : je penfe qu’un jugement qui part du fens intime, tel que celui qu’on porte de fon propre fentiment , ou de l’affedion de fon ame , ne peut porter à faux , parce qu’il ne confiée qu’a goûter un plaifir , ou à fentir une peine , qu’on éprouve en effet , tant que dure une fenfation agréable , ou défagréable. Il y en a qui aiment , par exemple , l’odeur de la corne de che^ val , d’une carte , du parchemin brûlé. Tant qu’on n’entendra par mauvais goût, qu’un goût fingulier , je conviendrai que ces perfonnes font de mauvais goût , & que les femmes grofles , dont les goûts changent avec les difpoiitions du corps , font auffi de très-mauvais goût , tandis qu’il eft évident qu’elles font feulement avides de chofes aflez généralement méprifées , & dont elles ne faifoienc elles-mêmes aucun cas avant la groffeffe , & qu’ainfi. ■Jome I. L