Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/19

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organiſé comme les autres animaux, pour quelques dégrés d’intelligence de plus, ſoumis aux mêmes loix, n’en doit pas moins ſubir le même ſort. Ainſi du faite de cette immortalité glorieuſe, du haut de cette belle machine théologique, vous deſcendrez, comme d’une gloire d’opéra, dans ce parterre phyſique, d’où ne voyant par-tout autour de vous que matiere éternelle, & formes qui ſe ſuccedent & périſſent ſans-ceſſe, confus, vous avouerez qu’une entiere deſtruction attend tous les corps animés. Et enfin ce tronc du ſyſtême des mœurs parfaitement déraciné par la philoſophie, tous les efforts qu’on a faits pour concilier la philoſophie avec la morale, et la théologie avec la raiſon, vous paroitront frivoles et impuiſſants.

Tel eſt le premier point de vue & le plan de ce diſcours ; avançons & développons toutes ces idées vagues & générales.

La philoſophie, aux recherches de laquelle tout eſt ſoumis, eſt ſoumiſe elle-meme à la nature, comme une fille à ſa mere. Elle a cela de commun avec la vraie médecine, qu’elle ſe fait honneur de cet eſclavage, qu’elle n’en connoit point d’autre, & n’entend point d’autre voix. Tout ce qui n’eſt pas puiſe dans le ſein même de la nature, tout ce qui n’eſt pas phénomenes, cauſes, effets, ſcience des choſes, en un mot,