Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/20

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ne regarde en rien la philoſophie, & vient d’une ſource qui lui eſt étrangere.

Telle eſt la morale ; fruit arbitraire de la politique, qui peut à juſte titre revendiquer ce qu’on lui a injuſtement uſurpé. Nous verrons dans la ſuite, pourquoi elle a mérité d’être miſe au nombre des parties de la philoſophie, à laquelle il eſt évident que proprement elle n’appartient pas.

Les hommes ayant formé le projet de vivre enſemble, il a fallu former un ſyſtême de mœurs politiques, pour la ſûreté de ce commerce : & comme ce ſont des animaux indociles, difficiles à dompter, & courant ſpontanément au bien-être, per fas & nefas, ceux qui par leur ſageſſe & leur génie ont été dignes d’être placés à la tête des autres, ont ſagement appellé la religion au ſecours des regles & des loix, trop ſenſés, pour pouvoir prendre une autorité abſolue ſur l’impétueuſe imagination d’un peuple turbulent & frivole. Elle a paru les yeux couverts d’un bandeau ſacré ; & bientôt elle a été entourée de toute cette multitude qui écoute bouche béante & d’un air ſtupéfait les merveilles dont elle eſt avide ; merveilles qui la contiennent, ô prodige ! d’autant plus qu’elle les comprend moins.

Au double frein de la morale & de la religion, on a prudemment ajouté celui des ſupplices. Les