Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/209

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Après cela , eft-ii donc furprenant que le monde abjflraic, intelleclael , où il n’eft pas permis d’avoir Xm fentimenc , qu’il ne foi.t examine par les plus rigoureux cenfeurs, eftil fiirprenant , dis-je , que ce monde foit prefque auffi défert, aufTi abandonné , que celui de l’illullre fondateur de la fede Carteïienne , puifqu’il n’eft habite que par un petit nombre de lages , c’eft - à - dire , d’hommes qui penfent (car c’eit-là la vraie fagefie , le refte eft préjuges ) > Eh ! qu’eft-ce que penfer , fi ce n’eft pafTer fa vie h cultiver une terre ingrate , qui ne produit qu’à force de foins & de culture ? En eflet, fur cent perfonnes, y en a-r-il deux pour qui l’étude & la réflexion ayent des charmes ? Sous quel alped le monde intelleéluel , dont je parle, fe montre-t-il aux autres hommes, qui connoiffent tous les avantages de leurs fèns , excepté le principal , qui ell l’efprit ? On n’aura pas de peine à croire qu’il ne leur paroît dans le lointain qu’un pays idéal , dont les fruits font purement imaginaires.

C’eft en conféquence de cette fupériorité de l’ame humaine , fur celle d^s animaux , que les anciens l’ont appelée ame raifonnable. Mais ils onc été fort attentifs à rechercher , (i ces facultés ne venoient pas de celles du corps , qui font encore plus excellentes dans l’homme. Ils ont d’abord remarqué que tou. les hommes n’avoient pas , à Tome I. N