Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/28

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philoſophe n’applaudiſſe auſſi volontiers, quand il le faut, que ceux qui le ſont le moins : fort fâché ſans doute de porter le moindre échec à ce qui fait, ou plutôt paſſe pour faire la tranquillité publique.

La raiſon pour laquelle deux choſes auſſi contraires en apparence, ne ſe nuiſent cependant en aucune maniere, c’eſt donc que leurs objets n’ont rien de commun entr’eux, leur but étant auſſi divers, auſſi éloigné l’un de l’autre, auſſi oppoſé, que l’orient & l’occident. Nous verrons dans la ſuite que loin de ſe détruire, la philoſophie & la morale peuvent très-bien agir & veiller de concert à la ſûreté du public ; nous verrons que ſi l’une influe ſur l’autre, ce n’est qu’indirectement, mais toujours à ſon avantage ; de ſorte que, comme je l’ai dit d’abord, les nœuds de la ſociété ſont reſſerrés par ce qui ſemble, à la premiere vue, devoir les rompre & les diſſoudre : paradoxe plus ſurprenant encore que le premier, & qui ne ſera pas moins clairement démontré, à ce que j’eſpere, à la fin de ce diſcours.

Quelle lumière affreuſe ſeroit celle de la philoſophie, ſi elle n’éclairoit les uns, qui ſont en ſi petit nombre, que pour la perte & la ruine des autres, qui compoſent preſque tout l’univers !

Gardons-nous de le penſer. Les perturbateurs de la ſociété n’ont été rien moins que des phi-