Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/29

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loſophes, comme on le verra plus loin ; & la philoſophie, amoureuſe de la ſeule vérité, tranquille contemplatrice des beautés de la nature, incapable de témérité & d’uſurpation, n’a jamais empiété ſur les droits de la politique. Quel eſt le philoſophe en effet, ſi hardi qu’on veuille le ſuppoſer, qui en attaquant le plus vivement à force ouverte tous les principes de la morale, comme j’oſe le faire dans mon Anti-Sénèque, diſconvienne que les intérêts du public ne ſoient pas d’un tout autre prix que ceux de la philoſophie ?

La politique, entourée de tous ſes miniſtres, va criant dans les places publiques, dans les chaires, & preſque ſur les toits : Le corps n’eſt rien, l’ame eſt tout ; mortels, ſauvez-vous, quoiqu’il vous en coûte. Les philoſophes rient, mais ils écrivent tranquillement ; pour apôtres & pour miniſtres, ils n’ont qu’un petit nombre de ſectareurs auſſi doux & auſſi paiſibles qu’eux, qui peuvent bien le réjouir d’augmenter leur troupeau, & d’enrichir leur domaine de l’heureuſe acquiſition de quelques beaux génies, mais qui ſeroient au déſeſpoir de ſuſpendre un moment le grand courant des choſes civiles, loin de vouloir, comme on l’imagine communément, tout bouleverſer.

Les prêtres déclament, échauffent les eſprits par des promeſſes magnifiques, bien dignes d’enfler un ſermon éloquent ; ils prouvent tout ce qu’ils