Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/53

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Préliminaire. 57

intention à me reprocher : & fi mon efprit s’eft égaré , ( il eft fait pour cela ) mon cœur plus heureux ne s’efl point égaré avec lui. Ne fe défabufera-t-on jamais fur le compte des philofophes •&’ des écfiûvains ? Ne vem-t on point qu’autant le cœur efl : différent de IVfprit , autant le-î mœurs peuvent difî’irer d’une doctrine hardie, d’une fatyre /d’un fyflém.e , d’un ouvrage quel qu’il foit.

De quel danger peuvent être les égaremens d’un" efprit fceptiqiie’oui vole d’une hypothefe a une autre, comme un oifeau de branche en branche , emporté aujourd’hui par un degré de probabilité , dcm^ain fédiiit par un autre plus fort ? Pourquoi rougirois-ie de flotter ainfi Ciitre la vraifemblance & l’incertitude ? La vérité eft-clle à la portée de ceux qui l’aiment le plus , & : qui la recherchent avec le plus de candeur & d’emprefTement ?

Héhs ! non ; le fort des meilleurs 

efprits efl de pafler du berceau de l’ignorance, où nous naiffons tous , dans le berceau du Pyrronifme , où la plupart meurent. Si j’ai peu ménagé les préjugés vulgaires , fi je n’ai pas même daigné ufer contr’cux de ces rufes & de ces flratagêmes qui ont mis tant d’aureurs à l’abri de nos Juin ■-k de leurs fynodes , il ne s’enfuit pas que je fois un m.auvais fnjet, un perturbateur , une pc/Ie dans la fociété ; c 3