Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/14

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& du ſavon battu dans de l’eau, s’amuſent à faire ces belles veſſies colorées, que le ſouffle dilate ſi prodigieuſement, ſans les comparer à la nature. Il me ſemble qu’elle prend comme eux, ſans y ſonger, les moyens les plus ſimples pour opérer. Il eſt vrai qu’elle ne ſe met pas plus en dépenſe, pour donner à la terre un prince qui doit la faire trembler, que pour faire éclore l’herbe qu’on foule aux pieds. Un peu de boue, une goutte de morve, forme l’homme & l’inſecte ; & la plus petite portion de mouvement a ſuffi pour faire jouer la machine du monde.

III.

Les merveilles de tous les regnes, comme parlent les chimiſtes, toutes ces choſes que nous admirons, qui nous étonnent ſi fort, ont été produites, pour ainſi dire, à-peu-près par le même mélange d’eau & de ſavon, & comme par la pipe de nos enfans.

IV.

Comment prendre la nature ſur le fait ? Elle ne s’y eſt jamais priſe elle-même. Dénuée de connoiſſance & de ſentiment, elle fait de la ſoie, comme le Bourgeois Gentilhomme fait de la proſe, ſans le ſavoir : auſſi aveugle, lorſqu’elle donne la vie, qu’innocente lorſqu’elle la détruit.