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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/151

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DISCOURS
SUR
LE BONHEUR.

Les philoſophes s’accordent sur le bonheur, comme ſur tout le reſte. Les uns le mettent en ce qu’il y a de plus ſale et de plus impudent ; on les reconnoît à ce front cinique qui ne rougit jamais. Les autres le font conſiſter dans la volupté, priſe en divers ſens ; tantôt c’eſt la volupté rafinée de l’amour : tantôt la même volupté, mais modérée, raiſonnable, aſſujettie, non aux luxurieux caprices d’une imagination irritée, mais aux ſeuls beſoins de la nature : ici, c’eſt la volupté de l’eſprit attaché à la recherche, ou enchanté de la poſſeſſion de la vérité ; là enfin c’eſt le contentement de l’eſprit, le motif & la fin de toutes nos actions, auquel Epicure a donné encore le nom de volupté, nom dangereuſement équivoque, qui eſt cauſe que ſes diſciples ont retiré de ſon école un fruit bien différent de celui que ce grand perſonnage avoit lieu d’en attendre. Quelques-uns ont mis le ſouverain bien dans toutes les perfections de l’eſprit & du corps. L’honneur & la vertu le conſtituoient chez