Aller au contenu

Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Zenon. Séneque, le plus illuſtre des Stoïciens, y a ajouté la connoiſſance de la vérité, ſans dire expreſſément quelle vérité.

Vivre tranquille, ſans ambition, ſans deſir ; uſer des richeſſes, & non en jouir ; les conſerver ſans inquiétudes, les perdre ſans regret, les gouverner, au lieu d’en être eſclave ; n’être troublé, ni ému par aucune paſſion, ou plutôt n’en point avoir ; être content dans la miſere, comme dans l’opulence : dans la douleur, comme dans le plaiſir ; avoir une ame forte & ſaine, dans un corps foible & malade ; n’avoir ni crainte, ni frayeurs ; ſe dépouiller de toute inquiétude, dédaigner le plaiſir & la volupté ; conſentir d’avoir du plaiſir comme d’être riche, ſans rechercher ces agrémens ; mépriſer la vie même : enfin arriver à la vertu, par la connoiſſance de la vérité ; voilà ce qui forme le ſouverain bien de Séneque & des Stoïcens en général, & la parfaite béatitude qui le ſuit.

Que nous serons Anti-Stoïciens ! Ces philoſophes ſont ſéveres, triſtes, durs ; nous ſerons doux, gais, complaiſans. Toutes ames, ils font abſtraction de leur corps ; tout corps, nous ferons abſtraction de notre ame. Ils ſe montrent inacceſſibles au plaiſir & à la douleur, nous nous ferons gloire de ſentir l’un & l’autre. S’évertuant au ſublime, ils s’élevent au-deſſus de tous les événemens, & ne ſe croient vraiment hommes, qu’au-