Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/174

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plus injuſtes en apparence, deviennent juſtes ; lorſqu’un prince les croit telles ; comme celles qui ſemblent juſtes ne le font pas, lorſqu’il croit faire injuſtice. L’intention fait tout ».

Voilà à-peu-près, ſi je m’en ſouviens bien, ce que j’ai lu dans les lettres de Deſcartes.

Si de l’image des dieux, on remonte aux dieux même, on aura une grande idée de leur juſtice, & de la ſolidité de leurs décrets. Si de là on deſcend à celle des peuples qui ſuivent aveuglément ce qu’ils trouvent reçu, & n’examinent rien, que n’en pourra-t-on pas penſer ?

Si chacun eût pu vivre ſeul & uniquement pour ſoi, il y auroit eu des hommes & point d’humanité, des vices, ou ſoi-diſant tels, & point de remords. Il n’y a point d’animalité, pour employer ce mot dans un ſens barbare, entre les animaux qui n’ont qu’un commerce de paſſions vulgivagues.

La néceſſité des liaiſons de la vie a donc été celle de rétabliſſement des vertus & des vices, dont l’origine eſt par conſéquent d’inſtitution politique ; car ſans eux, ſans ce fondement ſolide, quoique imaginé, l’édifice ne pouvoit ſe ſoutenir & tomboit en ruine. Nous pouvons dire deé vertus, ainſi enviſagées, ce que Zénon diſoit des vices, qu’elles ſont toutes égales. Mais l’honneur & la gloire, ſéduiſans phantômes, ont été nommés