Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/175

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pour ſervir de cortege à la vertu qu’ils excitent Le mépris, l’opprobre, la crainte, l’ignominie, les remords, ſont attachés aux vices pour les pourſuivre, les effrayer, & leur ſervir de furie. Enfin on a remué l’imagination des hommes, & par-là on a tiré parti de leur ſentiment, & ce qui en ſoi n’eſt que chimere, devient par relation un bien réel, à moins qu’on n’excepte l’amour-propre attaché aux belles actions même ſecretes ; plus flatté, lorvqu’elles ſont publiques ; car c’eſt en cela que conſiſtent l’honneur, la gloire, la réputation, l’eſtime, la conſidération & autres termes qui n’expriment que les jugemens d’autrui qui nous ſont favorables & nous font plaiſir. Au reſte la convention, un prix arbitraire fait tout le mérite & le démérite de ce qu’on appelle vice & vertu.

Quoiqu’il n y ait point de vertu proprement dite, ou abſolue, ce mot ne formant comme tant d’autres qu’un vain ſon, il en eſt donc de relatives à la ſociété, dont elles font à la fois l’ornement & l’appui. Qui les poſſede au plus haut degré, eſt le plus heureux de cette eſpece de bonheur qui appartient à la vertu. Ceux qui la négligent & ne connoiſſent point le plaiſir d’être utiles, ſont privés de cette ſorte de félicité. Peut-être, tant la nature ſe ſuffit, ſont-ils dédommagés de ne point vivre pour les autres, par la ſatisfaction qu’ils ont de