Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/179

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ſi on peut appeler vaine, une paſſion qui conduit aux plus belles choſes) & qu’il a parfaitement connu le vrai mérite, en confondant la gloire avec la vertu, & dédaignant le plaiſir de l’exercer pour un autre but qu’elle-même. Si c’eſt là un raffinement d’amour-propre, & que le mépris même de la vanité en marque l’excès, (comme en effet la modeſtie eſt ſouvent un orgueil déguiſé) c’eſt dans cette étrange & belle vanité que je place la perfection de la vertu, & la plus noble cauſe de l’héroïſme. S’il eſt délicat de ſe juger foi-même, à cauſe des pieges que nous tend l’amour-propre ; il n’eſt pas moins beau d’être forcé de s’eſtimer, lors même qu’on eſt mépriſé par les autres. C’eſt par ſoi, plutôt que par autrui, que doit venir le bonheur. Il eſt grand d’avoir à ſon ſervice la déeſſe aux cent bouches, de les réduire au ſilence, de leur défendre de s’ouvrir, d’en dédaigner l’encens, & d’être à ſoi-même ſa renommée. Qui ſeroit sûr qu’il vaut lui ſeul toute ſa ville, pourroit s’eſtimer & ſe reſpecter autant qu’il pourroit l’être par toute cette ville, & ne perdroit rien à tant d’applaudiſſemens mépriſés. Qu’ont au reſte de ſi flatteur la plupart des louanges, pour les briguer tant ? Ceux qui les prodiguent, ſont ſi peu dignes de les donner, que ſouvent elles ne méritent pas la peine d’être entendues. Un homme d’un mérite ſupérieur, n’eſt obligé de les écouter, que comme