Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/182

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reſte aux criminels, comme dit V… dans Sémiramis ?

Laiſſons déclamer les ignorans & les fanatiques, & entrons tranquillement dans cette nouvelle carriere, où la meilleure philoſophie, celle des médecins, nous conduit.

Rétrogradons vers notre enfance ; nous n’avons que trop peu de pas à faire pour cela, & nous trouverons qu’elle eſt l’époque des remords. D’abord ce n’étoit qu’un ſimple ſentiment, reçu ſans examen & ſans choix, & qui s’eſt auſſi fortement gravé dans le cerveau, qu’un cachet dans une cire molle. La paſſion, maîtreſſe ſouveraine de la volonté, peut bien étouffer ce ſentiment pour un temps ; mais il renaît, quand elle ceſſe, & ſur-tout lorſque l’ame, rendue à elle-même, réfléchit de ſens froid ; car alors les premiers principes qui forment la conſcience, ceux dont elle a été imbue, reviennent, & c’eſt ce qu’on appelle remords, dont les effets varient à l’infini.

Le remord n’eſt donc qu’une fâcheuſe réminiſcence, qu’une ancienne habitude de ſentir, qui reprend le deſſus. C’eſt, ſi l’on veut, une trace qui ſe renouvelle, & par conſéquent un vieux préjugé que la volupté & les paſſions n’endorment point ſi bien, qu’il ne ſe réveille preſque toujours tôt ou tard. L’homme porte ainſi en ſoi-même le plus grand de ſes ennemis. Il le ſuit par-tout, &