Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/19

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plus été l’ouvrage d’un jour pour la nature, que pour l’art.

XIV.

J’ai vu cette[1] femme ſans ſexe, animal indéfiniſſable, tout-à-fait châtré dans le ſein maternel. Elle n’avoit ni motte, ni clitoris, ni tetons, ni vulve, ni grandes levres, ni vagin, ni matrice, ni regles ; & en voici la preuve. On touchoit par l’anus la ſonde introduite par l’uretre, le biſtouri profondément introduit à l’endroit où eſt toujours la grande fente dans les femmes, ne perçoit que des graiſſes & des chairs peu vaſculeuſes, qui donnoient peu de ſang : il fallut renoncer au projet de lui faire une vulve, & la démarier après dix ans de mariage avec un payſan auſſi imbécille qu’elle, qui n’étant point au fait, n’avoit eu garde d’inſtruire ſa femme de ce qui lui manquoit. Il croyoit bonnement que la voie des ſelles étoit celle de la génération, & il agiſſoit en conſéquence, aimant fort ſa femme qui l’aimoit auſſi beaucoup, & étoit très-fâchée que ſon ſecret eût été découvert. M. le comte d’Erouville, lieutenant-général, tous les médecins & chirurgiens de Gand, ont vu cette femme manquée, & en ont dreſſé un procès-verbal.

  1. On en a déjà parlé dans l’homme machine.